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Connaissance du village Ntsingbeu

I – ASPECT HISTORIQUE

Le village Ntsingbeu a été fondé au 18e siècle par un certain chasseur venu de Tsinglah. Il s’appelait PA’AZANG et avait donné le nom de Ntsingbeu à la localité qu’il avait ainsi créée. Il avait établi le chez lui à Dzensui. Il fonde une famille et à sa mort son fils TEJIOFOUET lui succède.

L’un des enfants de ce dernier, appelé JIODIO, deviendra par la suite Le premier notable de ce village et s’appellera NKEMJIODIO. Il va désormais siéger à la chefferie Bafou comme notable. Grâce à ses services loyaux et surtout à ses actes de bravoure lors de la guerre de sécession menée par Bafou contre le village Baleveng en vue de l’obtention de son indépendance, KEMJIODIO sera fait FOH et Ntsingbeu érigé en chefferie. Jusqu’à sa mort, il n’avait pas encore pu jouir pleinement de ce titre car il n’avait pas encore donné à la chefferie Bafou tout ce qu’il fallait pour en jouir pleinement. C’est son fils MEZAJIO qui s’acquittera de tout cela et portera officiellement le tout premier titre de FOH.

Les vieux racontent que KEMVOU avait succédé à son père MEZAJIO d’une manière peu orthodoxe. A la suite d’un système de terreur dans lequel il avait plongé le village (par suite de certaines pratiques mystiques les femmes n’accouchaient plus et celles qui concevaient avortaient quelque temps après) il fut traduit en justice par des colons blancs, des Allemands, qui le jugèrent et le condamnèrent à mort, ainsi que deux de ses frères. Son fils Metangmo Daniel qui devait lui succéder, refusa de le faire sous deux prétextes principaux :

-          Il ne trouvait pas honorable de succéder au genre de personnage qu’avait été son père : assassin de son propre père et criminel envers tout le village.

-          Emigré en ville, il se convertit au christianisme et ne voulait point de polygamie à laquelle l’aurait conduit automatiquement l’accession au poste de chef de village.

C’est alors que d’autres princes  vont se succéder à ce trône avec des fortunes diverses :

Le premier  prince à accéder à ce trône fut KEMTSA qui connut 08 ans de règne. À cause de la mauvaise atmosphère délétère qui régnait dans le village, il n’eut aucun enfant né « sur la peau de la panthère » pour pouvoir lui succéder.

Le second prince  fut TEIGUETSA qui connut 14 ans de règne. Lui aussi, toujours à cause de ce climat délétère qui régnait dans le village, n’eut pas d’enfant capable de lui succéder. Son règne fut particulièrement marqué par l’installation dans le village Ntsingbeu d’un cadi purificateur du village. En effet, poussé par un élan d’humanisme, il va se rendre à Nwa’a, dans le Sud-Ouest du Cameroun, pour chercher un cadi appelé « Dzô » qu’il installera à la chefferie Ntsingbeu pour purifier le village et permettre aux femmes d’avoir enfin des enfants.

Le troisième prince fut TEMETANG TETSAVOU qui connut 54 ans de règne dans un village enfin purifié et où vont naître beaucoup d’enfants. Lui-même va en avoir 18 avec ses nombreuses femmes. À sa mort le 30 juillet 1955 à l’âge de 110 ans, son fils KENHAGO ROBERT, alors âgé de 10 ans, lui succéda comme 8e chef de la dynastie Ntsingbeu.

Entre ce jeune chef et tous les autres habitants du village Ntsingbeu a régné une parfaite harmonie jusqu’en 1992, année à laquelle Dr METANGMO Pierre Marie a commencé à faire voir manifestement ses prétentions de conquête du trône à Ntsingbeu. En effet, lui-même écrira curieusement dans un document qu’il a publié le 03 août 1998 sous le titre « Réponse aux préoccupations des Elites et de la jeunesse Ntsingbeu à propos du problème de la chefferie » : « Jusqu’au début des années 90, Ntsingbeu était l’une des chefferies les plus paisibles du groupement  Bafou. Rien ne le distinguait des autres si ce n’est l’exceptionnel dynamisme de ses fils dont l’impulsion lui avait imprimé un élan de progrès irréversible. »  

Au fait, plusieurs événements dénotent non seulement la sérénité et l’harmonie qui régnaient dans le village Ntsingbeu, mais surtout la confiance que ses habitants avaient en leur chef KENHAGO Robert :

-          Lors de la cérémonie de désignation du nouveau chef, en la personne de KENHAGO Robert, ce sont Fodzifveng KUETE David et METANGMO Daniel qui le tinrent, chacun par un de ses bras, pour faire le traditionnel tour de la place publique afin de bien le présenter à l’assistance suivant la coutume, d’ailleurs encore en vigueur de nos jours. Ils le remirent ensuite aux professionnels de La’akem qui l’y emmenèrent pour le séjour que ce rituel  imposait.

-          Pendant son long séjour de plusieurs années à Yaoundé où il fit ses études et servit ensuite comme agent de l’Etat au Ministère des Finances, le jeune chef bénéficiait d’un appartement bien aménagé chez Mo’otedongkeu pour ses séjours au village. Mo’otedongkeu qui était le premier notable mobilisera toutes les forces vives du village pour construire la nouvelle chefferie au site actuel et y installa le chef KENHAGO Robert.

-          Suivant le lien de confiance, Papa Métangmo Daniel avait remis son testament à son chef KENHAGO Robert. Conformément aux recommandations dudit testament, le chef KENHAGO Robert avait placé Dr METANGMO Pierre Marie sur le siège de son père, Papa Métangmo Daniel.

KENHAGO ROBERT, fils de TEMETANG TETSAVOU, est l’actuel chef du village Ntsingbeu.  Né vers 1943, il est âgé de 72 ans et connaît déjà 60 ans de règne.

II – ASPECT GEOGRAPHIQUE

NTSINGBEU est l’un des villages constitutifs du groupement Bafou dans l’arrondissement de Nkong-Ni, département de la Menoua, Région de l’Ouest. Il se trouve à une dizaine de kilomètres au Nord-Est de la ville de Dschang, chef-lieu du département de la Menoua. Ntsingbeu est limité au Nord par le quartier Ndogni, à l’Est par Levet, Fokamedzou et Zemtsingfou, au Sud par Pokang et Ntsing’lah, à l’Ouest par Ntsingfou.

Le relief est celui d’un plateau légèrement vallonné, culminant très faiblement à Foghagouh. Seuls deux petits marigots arrosent le village et la végétation qui était au départ celle de la savane boisée veinée de quelques forêts et de galeries de bambous de raphia est aujourd’hui entièrement dominée par des cultures vivrières surtout. Les champs sont organisés en bocages et l’on y rencontre beaucoup d’arbres plantés par les populations : ce sont tantôt des arbres fruitiers, tantôt des arbres de menuiserie ou d’artisanat, tantôt tout simplement des arbres d’ombrage ou de bois de chauffe. Notons que les bananiers tiennent une place très importante dans cette riche flore.

Le climat est généralement frais et les températures varient de 15° c à 27° c. La faune très banale ne comporte aucune grosse espèce, faute de refuge dense.

III – ASPECT SOCIOCULTUREL

La population de Ntsingbeu est estimée à 10 000 âmes vivant de l’agriculture, du petit élevage et du petit commerce. L’artisanat sur bois et sur bambous de raphia est intensément pratiqué dans ce village.

Fidèles à la notion de solidarité chère aux Bamilékés, les Ntsingbeu sont organisés en plusieurs associations dont les « mendzong » et les tontines. Plusieurs danses traditionnelles sont pratiquées dans le village et servent le plus souvent à animer les événements qui y sont organisés.

Sur le plan religieux, l’animisme y tient encore une très grande place malgré les efforts de percée déployés par des églises chrétiennes telles que le catholicisme et le protestantisme. La chefferie du village abrite un cadi très réputé appelé « Ndzô » qui est un esprit bienfaiteur veillant sur le village et est encadré par des initiés. Ceux-ci s’en servent pour régler des palabres entre des individus afin de faire régner tout le temps un climat de paix dans le village.

Malgré un taux très élevé de scolarisation (environ 98%) seule une école primaire catholique tout récemment réactivée accueille certains jeunes enfants du village. Ntsingbeu n’a pas d’établissement d’enseignement secondaire ni d’école primaire publique. Le village dispose à ce jour sur le plan infrastructurel de :

-          Plusieurs fermes pour élevage de la volaille, des lapins, des porcs, et des chèvres,

-          Des petites et moyennes entreprises,

-          Un centre de santé développé privé,

-          Un centre d’Etat Civil,

-          Une paroisse de l’Eglise catholique « Saint-Daniel de Ntsingbeu »,

-          Une paroisse de l’Eglise évangélique du Cameroun,

-          Une école primaire catholique à cycle complet avec cantine moderne (Ecole Ste Raïssa),

-          Plusieurs maisons de commerce général,

-          Un organisme de tourisme dénommé TOCKEM-TOURISME,

-          Des lieux sacrés ou lieux de culte traditionnel comme le NZO’O, FO’OLEPEH, FO’OGHAGOU devenus aujourd’hui des sites touristiques,

-          Un petit marché périodique ouvrant chaque « Mbouolo ».

Le village est connecté au réseau électrique national et plusieurs forages d’eau potable publics commencent à y voir le jour.

Pour répondre à des objectifs de développement communautaire, village s’est doté d’un comité de développement dont les réalisations sont bien palpables dans le village (création et entretien des routes, assistance aux agriculteurs et aux éleveurs …).

Du fait du confort dont jouissent les habitants de ce village, de la proximité de la ville de Dschang et d’un accès très facile en toute saison, beaucoup de ressortissants de Ntsingbeu y résident et exercent leur métier dans la ville de Dschang sans difficulté.

Malgré ce tableau quelque peu élogieux, Ntsingbeu n’est pas encore un eldorado. Beaucoup reste à faire dans ce village surtout dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’adduction d’eau potable, des routes…∙/-

Equipe de rédaction dirigée par

Gaston NGUETSA

Inspecteur Pédagogique National émérite de Philosophie

Elite Ntsingbeu

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