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Le rite du veuvage : la position de Martin NGUEZET

Nguezet

Né vers 1928 et décédé le 23 mars 1995, Martin NGUEZET s’interrogeait chaque jour sur les raisons qui pourraient pousser un homme à infliger tant de peines et de souffrance à une femme déjà éprouvée par la disparition de son mari.

Il avait sa façon à lui d’expliquer le pourquoi et le comment du rite du veuvage.

La légende racontait selon lui qu’il y avait un homme qui, de son vivant, avait été déçu par son épouse. S’étant senti trahi et frustré, il a donné un certain nombre de recommandations que l’on devait exécuter après sa mort. Notons que dans notre tradition, la femme demeurait la propriété de la famille qui l’a dotée. C’est dire quelle était obligée de se soumettre et d’appliquer à la lettre la conduite édictée par sa belle-famille. Dans le cas contraire, elle courrait avec sa descendance, le risque de porter une malédiction, qui pourrait se manifester à eux sous plusieurs formes.

Trouvant en ces recommandations après sa mort un bon élément de domination sur les femmes, très vite, ce qui était pour la première personne une mesure de vengeance s’est très vite transformé en règle pour la société au point où, même les femmes qui n’avaient aucun problème avec leur époux se sont vues dans l’obligation d’exécuter ce rite de « purification de la femme » comme si systématiquement la femme était absolument directement la cause de la mort de son mari.

S’insurgeant contre cette « torture-purification » d’une femme en détresse, Martin NGUEZET au soir de sa vie, revoyant les beaux jours passés avec sa tendre épouse, avait décidé de l’exempter de cette pratique et l’a fait savoir à tout son entourage. C’est pour cela qu’à sa mort, sa femme qui est encore vivante et qui peut témoigner a été exemptée de cette « punition-purification » qui ne se justifie pas et n’a pas de sens. Aussi, à ses enfants et à sa femme, il avait proscrit le rasage de la tête et le port du « noir » pour les orphelins et du makossa (bleu ou blanc) pour la veuve pendant la période du « E’ndoung legwoueuh ».

Au nom de quoi accepteriez-vous qu’une femme avec qui vous avez fondé une famille, avec qui vous avez contribué à l’épanouissement de cette famille, soit torturée de quelque manière que ce soit après votre mort ?

Si nous sommes d’avis qu’on doit respecter les dernières volontés d’une personne, vous conviendrez avec Martin NGUEZET que vous aussi, sans enfreindre au fonctionnement de nos us et coutumes, pouvez faire pareil. Ne serait-il pas une façon de montrer à votre femme votre amour pour elle même depuis l’au-delà?

A l’occasion de la célébration du 19e anniversaire de sa disparition, nous avons pensé utile de vous faire part, à titre posthume, de cette position d’un homme qui bien que n’ayant pas été à l’école ne manquait pas de porter chaque fois un regard critique sur la société.

Nous vous invitons à avoir une pensée pieuse pour le repos de l’âme de cet homme de parole dont le plus grand défi était d’aimer ceux qui se prenaient pour ses ennemis.

Il ne manquait jamais de dire : « ajoumi me te zèh à gho zi me ka gheèh » (ce qu’on ne peut pas savoir c’est ce qu’on n’a pas encore fait). Pour cela il a toujours recommandé l’amour, le pardon, l’honnêteté, le travail, mais surtout le travail bien fait. Il avait le sens de la famille et aimait la famille, prêt à tout sacrifier pour préserver l’intégrité de sa famille.

Messieu Mack, comme beaucoup t’appelaient, repose en paix et sois sûr que tes volontés seront toujours tous les jours et en tous lieux respectées par tes descendants.

Guy Mathurin NGUEZET

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