Nécrologie : TSOLEFACK TEZANO SIMEON, potier d’âmes «toujours content» a brisé sa canne blanche !
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- Publié le mardi 19 mars 2013 15:56
Le jeudi 23 juillet 1959 dans le village Nkog’ho à Bafou, au sein de la concession de Messa Yacob Tezanou et sous le toit de son épouse Jiofack Françoise, nait un bébé dodu et joufflu pour qui les dieux ont tracée une trajectoire extraordinaire.
Malheureusement, le samedi 02 mars 2013 à l’hôpital CHU Hautepierre de Strasbourg en France, la "Grande Faucheuse" est venue mettre un terme à tous ses projets.
TSOLEFACK Siméon, puisqu’il s’agit de lui, est né sans présenter le moindre handicap. Mais, contre toute attente, il perdra définitivement la vue en 1961. Coup du sort ou héritage génétique provenant de sa famille paternelle ? Nul ne le saura avec certitude. Mais, grâce à l’assistance et au concours de nombreuses bonnes volontés tant individuelles que institutionnelles, le jeune handicapé va apprendre à aimer la vie et à l’apprécier puis tout mettre en œuvre pour se rendre utile à lui-même et à son entourage.
C’est le lieu pour nous de citer ici, pour les magnifier, la Congrégation des filles de la Charité de Dschang et surtout Sœur Agnès Gruyot qui, profitant d’un séjour en hexagone, s’est initiée à l’écriture Braille. A son retour, elle se fera assister par Metanpa Mathias pour vulgariser cette nouvelle forme d’écriture au milieu des jeunes aveugles de Dschang dont Siméon faisait partie. C’était déjà une étincelle de lumière dans l’obscurité où ces jeunes enfants étaient condamnés à évoluer toute leur vie durant. Plus tard, le professeur FONKWA Pierre de l’Ecole Normale Supérieure, prendra le relais pour encadrer Siméon jusqu’à la préparation de sa thèse de doctorat d’Etat en Sciences de l’Education.
D’une volonté tenace, Siméon va donc briser tous les tabous, braver tous les obstacles qui se dressent devant lui, évoluer progressivement pour engranger de multiples lauriers dans un domaine aussi ingrat que l’Education Nationale.
Il a usé ses fonds de culotte à l’Ecole Saint Michel et au collège Notre Dame de Dschang. En 1981, il s’envole pour la Tunisie où il obtiendra un diplôme dont le sens nous échappe parce qu’il est rédigé en Arabe. En 1983, il quitte la Tunisie pour le Congo où il fera le second cycle à l’Institut Mama Mobutu de Kinshasa, spécialisé dans l’encadrement des aveugles.
En 1984, il part du Congo pour la France. Il passe deux ans comme professeur stagiaire dans des instituts pour jeunes aveugles et jeunes filles de Paris. De 1988 à 1990, Siméon est inscrit à l’Université de Paris VIIe.
De 1992 à 1994, on le retrouvera au second cycle de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé en filière "Sciences de l’Education".
Disons-le tout de suite ; des nombreux enfants de son père, Siméon est le seul à avoir fait des études supérieures. Il a appris le Braille et parle sans difficulté le Français, l’Anglais, l’Espagnol, le Lingala et bien sûr son Yemba natal. C’était d’ailleurs un plaisir de causer avec Siméon "toujours content" dans la langue de Tê-Ndong Megang dont il maitrise toutes les tournures et surtout la poésie.
Après cet élogieux parcours scolaire et universitaire, Siméon pouvait être fier de présenter les diplômes suivants : CEPE, BEPC, Probatoire, Baccalauréat, CAPI, DEUG, DIPEN2, DEA, ce diplôme tunisien et j’en oublie certainement. Pour un aveugle, qui dirait mieux ?
Il a servi la république sur divers fronts et sous plusieurs casquettes :
· Le Formateur des formateurs, l’Enseignant ou le "Potier d’âmes" : Pour ses nombreux « enfants » Siméon a été à la fois un guide, un éclaireur, un père, un conseiller, bref, un « potier d’âmes ». On l’a connu tour à tour comme :
- professeur titulaire de pédagogie, de psychologie, de la législation et de l’administration éducative à l’ENIEG-B de Yaoundé,
- Professeur Assistant en écriture Braille à l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé.
- Professeur vacataire à l’ENAAS où il a été Directeur de mémoire de plusieurs élèves.
- Plusieurs ENIEG privées de la ville de Yaoundé ont également bénéficié de ses prestations.
· Le Musicien : Comme ses frères et sœurs Johny Tezano, Paul Tezano et Angéline Tezano, Siméon a également fait un détour dans le monde de la musique et a, à son actif, une œuvre dont le titre phare est « j’en ai marre du verbe aimer ».
· L’Ecrivain : Nous avons visité la bibliothèque personnelle de Siméon (voir photos ci-dessous) où beaucoup de ses œuvres, en braille pour certains et d’autres en Français, sont en attente d’un mécène qui pourrait les publier à titre posthume.
Le Communicateur : Siméon était régulièrement invité à la CRTV, à Radio Siantou, à MAGIC FM, etc... pour des débats sur les faits de société. Les auditeurs des émissions « quart de tour » ou « au cœur de la nuit » se souviennent de ses positions tranchées pour dénoncer le favoritisme et le clientélisme dont font preuve certains de nos dirigeants. Son principal trait de caractère était ce franc-parler et cette vérité crue qui ne lui attirait pas que des amitiés. Siméon ne s’en offusquait pas puisqu’il disait « Tuez-moi si vous voulez. Mais c’est vous qui aurez des problèmes de conscience parce que je ne vous vois même pas ».
· Le Philosophe, Distributeur de la bonne humeur : Siméon Tsolefack était un bon vivant qui croquait la vie à belles dents en prenant soin de ménager son entourage. Voici quelques morceaux choisis dans ses propos :
- « Je n’ai jamais vu un dictateur comme Dieu. Que lui ai-je fait pour qu’il me refuse la vue ? »
- une réflexion qui fait sourire : « L’Amour est aveugle ; Siméon est aveugle, donc Siméon est Amour ».
- A un de ses collègues de l’ENIEGB de Yaoundé, manchot, il disait à chaque fois qu’ils se rencontraient : « Donne-moi un œil, je te donne un bras ».
- Sur sa cécité, Siméon disait ceci : « Dieu a choisi de fermer mes yeux pour dire la vérité sans être influencé par les regards de ceux qui sont en face de moi ».
- En 1999 j’ai été émerveillé de voir Siméon jouer le rôle de "comptable" et de "garde du corps" accompagnant à la Trésorerie Générale de Yaoundé, un de ses collègues enseignant devant toucher son rappel de salaire. C’est Siméon qui a compté l’argent et l’a empoché pour raccompagner son collègue qui pourtant avait bien ses organes de la vue.
-Dans le car de l’agence de voyage Azinmeda, c’était toujours un plaisir de voyager avec Siméon de Dschang pour Yaoundé. Il était toujours inspiré et détendait l’atmosphère avec de multiples blagues.
Bafou.org et toute son équipe rédactionnelle adressent leurs sincères condoléances à la grande famille de Massa Yacob Tézanou. Que la terre de Bafou qui a vu naître "Toujours Content" lui soit légère. Que Dame Providence se penche sur la famille de Tsolefack Siméon et veille sur les jours de sa maman éplorée, de son épouse inconsolable et de ses jeunes enfants ainsi abandonnés tout seuls sur les multiples fronts des combats de la vie.
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