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Interview de Me MOMO Jean De Dieu

Me MomoEn marge de « son retour aux sources » Me MOMO a bien voulu se livrer au micro de Bafou.org. Nous vous invitons à partager ces moments.

Depuis hier, vous étiez dans l’un des plus grands sanctuaires du groupement Bafou, très précisément à Meboukem. Si vous permettez qu’on revienne sur cette cérémonie, quelle en était la symbolique ? Que représente Meboukem pour vous ?

Il faut distinguer, et vous faites bien de le faire dans votre question, qu’il y a eu trois cérémonies : il y a eu une cérémonie chez Meboukem qui est une cérémonie religieuse. C’est dire, comme quelqu’un va à l’église, je suis allé voir mon dieu et vous faites bien de le préciser. Je suis allé voir Meboukem pour le saluer de m’avoir toujours protégé jusqu’à ce jour. Les voyants m’ont dit que si Meboukem ne m’avait pas eu dans sa grande protection et ne m’avait pas couvert de tout son corps, il y a très longtemps que je serais déjà mort, qu’on m’aurait tué. Donc, je crois en cela comme on croit à la crucifixion de Jésus Christ et à sa résurrection. Donc, j’y crois, et c’est ma religion. Donc je suis allé remercier mon dieu et c’est à quelques pâtés de chez moi. Je suis un enfant de Meboukem. Ma fille s’appelle Meboukem à cet honneur. J’ai nommé une fille Meboukem pour sanctifier mon dieu, pour l’acclamer et pour vénérer mon dieu.

Autre chose, je vous ai vu prendre de la terre, puiser de l’eau. Qu’allez-vous en faire ?

J’ai sacrifié un mouton à Meboukem. Vous vous souvenez que dans l’Ancien Testament, Abraham le faisait aussi. La pratique du sacrifice du mouton existait, ce sont des réminiscences de l’Ancien Testament, de la culture de l’Ancien Testament qui existe encore chez nous dans le peuple Bamiléké. Donc, j’ai sacrifié d’abord un mouton et puis je suis allé chez Meboukem dans son temple, dans la grotte même de Meboukem pour prendre de la terre. C’est le prêtre sacrificateur qui m’a donné de la terre bénite, comme vous trouverez de l’eau bénite chez les catholiques par exemple ou autres choses chez les bouddhistes ou chez les musulmans. Je veux dire que chaque peuple à sa façon de servir son dieu : l’islam, les catholiques, les bouddha et tout ça c’est la religion africaine.

Plusieurs personnes disent que c’est une eau qui donne beaucoup de chance, qui guérit même les maladies. Vous y croyez ?

Cette source de Meboukem, vous savez, c’est une eau qui coule dans les pierres, dans les fentes de la pierre et pendant que ça coulait, moi je prenais pour boire et mettre dans les yeux des gens qui m’accompagnaient.

Pour fermer leurs yeux ?

Non, pour les éclairer ! C’est une eau qui purifie, qui éclaire les yeux des gens. J’en ai pris pour laver les pieds de ma femme qui était fatiguée et qui n’a pas pu aller jusqu’en haut. Mais vous voyez qu’aujourd’hui, elle travaille bien. Elle n’a plus mal aux pieds et je peux bien penser que Meboukem a veillé sur ma femme au point où elle n’a plus mal au pied. En bref, notre religion africaine voudrait que je prenne de la terre bénite de chez Meboukem que j’ai prise, que le prêtre sacrificateur m’a donné et que je la pose sur la tête de mes enfants, de mes femmes et de ma famille pour les bénir.

Pourquoi avoir attendu si longtemps pour retourner à votre dieu vu que vous étiez avec de grandes filles qui sont surement vos enfants qui approchent déjà la trentaine pour certaines. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Disons que je n’ai pas attendu très longtemps. J’étais déjà chez Meboukem d’une manière privée. Aujourd’hui, j’ai voulu rendre les choses officielles afin que nul n’ignore quelle est ma religion. Ma religion, c’est la religion africaine et je n’ai pas voulu que ce soit dans la clandestinité. Beaucoup partent là comme s’ils voulaient faire un sacrifice clandestin. J’ai voulu que ce soit une messe ; que j’ai appelé une messe publique. Vous avez vu le nombre de personnes qui étaient présentes, hommes et femmes et on a communié. Notre communion, qui était ce mouton qui a été tué, sacrifié, a été dépiécé, brulé, cuit et partagé entre tous y compris les enfants. C’est ça notre communion. Donc, on a communié et je n’ai pas attendu vraiment longtemps. Et puis, il faut dire aussi que pour honorer son dieu, pour lui construire un temple, les gens qui sont riches construisent une église, un temple dans leur concession, dans leur village ou dans leur quartier pour dédier à leur dieu. Moi, je n’étais pas aussi riche que maintenant. Je ne suis pas très riche, mais j’ai qu’en même eu suffisamment d’argent pour aller dire à Meboukem que merci de m’avoir protégé, merci de m’avoir donné quelques biens. Je ne vais pas manger tout seul. Je t’en donne un peu. Vois comment je nourris ton peuple.

Maitre, nous avons constaté que l’état de la route pour accéder à ce temple était déplorable. Mais avant d’y revenir, parlons de la deuxième cérémonie qui a eu lieu chez votre grand-père paternel et la même cérémonie qui s’est répétée chez votre père et, vous l’avez dit, qu’elle avait eu lieu longtemps avant chez votre grand père maternel et chez votre « Tè-Nkap ». De quoi s’agit-il ?

C’est la cérémonie d’initiation traditionnelle, donc c’est le passage de l’adolescent à l’adulte. Mais en même temps c’est le passage de l’homme adulte au rang des notables du village ; donc aujourd’hui je suis assis à la table des notables et j’ai le droit de porter un chapeau comme celui-ci. J’ai aussi le droit de boire dans une corne de bœuf. J’ai le droit d’avoir cette canne aujourd’hui. Cela se traduit par le fait que j’ai pris ma place auprès de mes pères et de mon grand père. Ils ne me considèrent plus comme un enfant. Ils me considèrent comme un citoyen du village avec lequel ils peuvent discuter des affaires de la cité pour construire. C’est un moment extrêmement important pour les hommes, ceux qui portent les chapeaux fantaisistes alors qu’ils ne le méritent pas, alors qu’ils n’ont jamais été assis à la place qu’il fallait et ne devraient pas le faire.

« Fo’o Dza’ah Nk’euh Ntong Pouh », comment entendez vous portez ce nom qui est plein de signification ?

Je vais le porter aussi allégrement que j’ai porté pendant des années Jean de Dieu. C’est un nom très difficile. Jean de Dieu c’est un prénom français. S’appeler Jean de Dieu en pays africain, en pays animiste, c’est très difficile. Jean de Dieu signifie Jean « Ndeum ». Le Jean de Dieu ! Donc, la moindre chose, la moindre incartade que tu fais, tu deviens Jean de « Satan ». Donc, j’ai porté ce même nom. J’ai donc été accoutumé à marcher droit, à faire en sorte de ne pas avoir de critique négative. On ne peut pas manquer de critique mais il ne faudrait pas que ce soit des critiques malveillantes, donc j’ai souvent veillé à ce que je puisse porter ce nom là d’une manière irréprochable. C’est un effort constant sur soi-même et il n’est pas très facile de rester dans le droit chemin.

Maitre, « apouh » dans notre langue veut dire esclave, est ce que l’esclavage existe encore ?

Oui l’esclavage moderne. C’est une symbolique. Je suis le chef qui libère les esclaves ; donc quand vous faites une symbolique par rapport à ma profession. Qu’est-ce que je fais ? Je suis pénaliste, un avocat pénaliste et je le suis depuis le début, je ne suis pas un avocat d’affaires. Je suis un avocat pénal international aujourd’hui. Mais quel est mon quotidien ? Quand j’arrive au tribunal et qu’on ouvre la porte de l’autre côté pour faire entrer cette vingtaine ou cinquantaine de gens enchainés, c’est pour que je les libère. On les traine, le procureur les a enchainés et on les amène dans la salle d’audience et moi je m’installe. Je prends dossier par dossier, je démontre que ces gens sont des innocents. C’est vrai qu’il ya aussi des coupables, il y en a ceux qui sont innocents et je les libère. Je suis le chef qui libère les innocents, je suis le chef qui libère les esclaves, mais c’est une symbolique quand même parce que de ma profession depuis plus de vingt ans aujourd’hui, je libère les innocents de prison et on peut aussi dire que coutumièrement et habituellement ce que je fais dans la vie c’est porter assistance à autrui et le faire, c’est libérer les innocents. On peut aussi dire que je porte la connaissance à autrui c'est-à-dire que j’éclaire les gens qui sont dans l’obscurité et cet éclairage que je donne peut aussi traduire le fait que je les libère de leur obscurantisme et les apporte dans la lumière.

Si vous permettez Fo’o Dza’ah Nk’euh Ntong Pouh, on ne peut pas parler de Me Jean de Dieu Momo sans parler de politique. L’accès à votre plus grand temple est assez endommagé et vous même avez garé à plusieurs centaines de mètres pour pouvoir y accéder. Comment va-t-on percevoir votre retour aux sources alors que lors des élections municipales votre absence a désagréablement surpris plusieurs personnes.

Non ! Votre question n’est pas exacte et elle renferme une information qui n’est pas exacte. Elle renferme une fausse affirmation. Dire que j’étais absent ou pas, le parti ne se résume pas à moi. Il y a des militants qui ont constitué des listes à Nkong-Ni et ils étaient là. Moi, j’ai constitué ma liste à Douala et je ne peux pas être partout à la fois. Je ne peux pas être à Douala en train de mener une campagne de proximité c'est-à-dire campagne municipale et être à Nkong-Ni en train de battre la campagne municipale au même moment. Je suis le président national d’un parti politique mais c’est chaque cellule et chaque section qui bat campagne. Je peux juste donner un coup de main. On m’a reproché de ne pas être venu à Nkong-Ni donner un coup de main mais ce n’est pas une obligation que je le fasse, car il ne faut pas restreindre le président national à son terroir, sinon les militants de Bertoua, de Maroua, de kousseri, de Garoua et bien d’autres vont aussi dire Monsieur le président, venez donner un coup de main ; chose que je ne pourrais pas faire car ne pouvant pas me partager. Maintenant vous avez dit que l’accès, la route qui mène au temple était dégradé cela n’a pas toujours été ainsi. C’est même inhabituel, car depuis que je suis né, je n’ai jamais vu cette route dans cet état.

Parce qu’elle était entretenue par le passé ?

Non ! Ce n’était pas entretenu par la Mairie. C’était toujours entretenu par nous, jamais par la Mairie et c’était dans mon programme de faire la boucle autour de Meboukem. Faire en sorte que ce soit une place internationale. Je voulais créer, instaurer l’ascension du mont Meboukem, je voulais faire en sorte que le départ soit à Douzem, qu’on fasse une course tout autour de Meboukem.

Mais ce projet existe toujours ?

Oui ! C’est toujours en projet. Nous avons perdu les élections. C’est pourquoi nous n’avons pas pu le faire. Il est essentiel que la route soit comme avant c'est-à-dire qu’on pouvait tourner tout autour de la colline. Aujourd’hui, on ne peut pas penser aller en voiture, en moto et en vélo autour de la colline du mont Bassesa. Et pourtant, c’est une montagne qui est riche en histoire et en tourisme et qui peut rapporter des devises touristiques dans notre pays, dans notre région et dans notre commune. Maintenant, j’ai quand même essayé d’en parler au Maire actuel, à celui qui a gagné les élections même comme il est du parti au pouvoir, en lui disant voilà ce que j’avais prévu de faire. Donc, si tu peux le faire, tu pourras compter sur moi pour t’aider à le faire. Il y a plein de projets que je voulais réaliser à ce niveau. Vous savez, nous n’avons pas beaucoup de terre et les terres dont nous disposons n’étaient pas viables par nos populations ce qui fait que pour installer la ville il a fallu qu’on déguerpisse certains et moi je dis que la colline de Bassessa aurait pu abriter à la fois le stade municipal et l’hôtel de ville. Il ya un espace qui avait été aménagé du côté de chez papa Victor, du coté Nord-Est donc si on peut l’aménager ce serait bien. L’état dans lequel on a retrouvé la route fait partie d’une tentative de restaurer la route qui a échoué on y a versé la terre rouge ce qui a aggravé l’état de la route par rapport à comme elle était avant, mais on va arranger ça.

Tel que vous l’avez dit et comme vous êtes conseiller municipal à Douala 5ème nous avons l’impression que prochainement vous ne viendriez pas soutenir vos camarades. Que peut-on attendre de Maître Momo ?

Attendez-vous à ce que je vienne soutenir mon parti beaucoup plus ici qu’à Douala. Je viendrai conduire mon équipe. Je ne sais pas si je serai là en tant que candidat mais je serai là pour conduire l’équipe et pour soutenir mes candidats. Je ne l’ai pas fait par le passé mais je pense qu’il y avait un manquement que nous devons tous reconnaître dans le parti, et pour le reste l’avenir est glorieux, l’avenir est devant, et l’avenir c’est nous.

Aujourd’hui dans ce village nous avons enterré un fils tué par Boko-Haram. Quelle est la réaction de ce brillant avocat que vous êtes face à cette situation qui prévaut au Cameroun ?

Ecoutez ! Vous m’avez vu au deuil n’est-ce pas ? Je suis allé au deuil sans forcément avoir besoin de savoir qui étaient les parents du défunt parce que c’est quelqu’un qui est tombé au front de guerre. C’est quelqu’un qui est tombé pour la nation, donc je me sentais obligé en tant que élu du peuple et en tant que citoyen de ce village que mon compatriote, mon « co-villageois » si vous voulez m’accorder cette expression, se soit sacrifié pour l’intérêt général. Mais moi aussi je suis le même Donkeng qui est mort au front. Je suis vivant mais je me suis maintes fois sacrifié pour ce pays. J’ai fait des choses pour ce pays et donc je sentais qu’il a fait comme moi, même s’il n’a pas eu la chance de rester en vie comme moi. J’ai fait des choses pour mon pays même si ce n’est pas reconnu sur le droit et je continue de le faire. Donc j’étais la pour sanctifier quelqu’un comme moi, un acteur de terrain, un acteur d’intérêt général parce qu’on est tous camerounais mais il y a très peu d’acteurs d’intérêt général. Moi, avec l’argent que je mets en politique par exemple, je pourrais construire mes gratte-ciel et vivre avec ma famille de mes rentes jusqu'à la fin de mes jours. Mais quand je mets cet argent avec mes partisans et mes militants qui se sacrifient chaque jour pour l’intérêt général, je dois saluer cela parce que quand on vit dans un pays on doit lutter pour ce pays.

Quelle est la réaction officielle de votre parti par rapport à la situation que le Cameroun vit dans l’Extrême Nord ?

Disons que c’est une situation qui n’est pas encore maitrisée car si ça avait été le cas, on ne devait pas perdre un jeune Lieutenant à peine sorti de l’école. La situation à l’Extrême Nord doit être condamnée et je l’ai condamné en d’autres lieux. La situation à l’Extrême Nord doit nous interpeller et nous devons tous participer et contribuer à éradiquer une situation qui n’apporte pas la paix. Mais en même temps le gouvernement a un devoir de vérité au peuple, car nous devons savoir les tenants et les aboutissants. Nous devons tous savoir si c’est Boko-Haram ou pas, parce que même la famille de Donkeng ne sait pas qui a tué son fils. Dire dans les discours officiels que c’est Boko-Haram, on n’en sait rien car les gens de Boko-Haram ont dit que ce n’était pas eux.  « Nous, on se contente d’enlever les gens et de demander des rançons. Nous, on ne tue pas ». Donc, est ce que c’est une affaire interne ou externe ? Est-ce que c’est une affaire de destabilisation comme les journalistes le disent dans les autres médias ? Es-ce que c’est une affaire de déstabilisation du Cameroun à partir de l’Etranger ? Moi, je n’en sais rien parce que je ne suis pas au centre du renseignement du Cameroun. Je ne suis pas le chef du renseignement, ceux qui ont le renseignement ont la vérité. Moi je suis un citoyen, je suis un chef de parti qui n’a pas le renseignement.

Me Momo

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