LES DIASPORAS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI : LE PIÈGE DES ORIGINES
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- Publié le mardi 30 novembre 2010 16:19
Le débat et les soubressauts qui agitent ce qu’on appelle la diaspora ou les diasporas camerounaises semble surprendre et les Camerounais non diasporés, et certains membres mêmes de cette diaspora. Ces derniers se retrouvent alors dans la situation de quelqu'un qui était maître de son corps (ou en tout cas se croyait tel) jusqu'à ce qu'un esprit incontrôlable s'en empare et l'agite dans tous les sens sans que lui, propriétaire du corps, y comprenne quelque chose.
Nous allons essayer de brosser à grands traits les trajectoires de ce que nous appelons les diasporas d’hier et d’aujourd’hui pour mieux comprendre, avec le principe du déterminisme culturel, pourquoi il ne pouvait un jour ou l’autre, en être autrement.
La diaspora d’hier
C’est celle des années d’indépendance ; celle de l’émancipation émerveillée. Le maître colonisateur transmet les rênes du pays, la jeunesse a flirté avec les connaissances scolaires et académiques, elle prend progressivement la place laissée vide par le maître et échappe, d'abord sans idée de retour possible, à l'indigénat. Elle quitte alors les villages, s'installe dans les villes créées par les colons, et pour mieux marquer son irréversible adoption de ce nouveau mode de vie, elle prend de nouvelle habitudes, pas pour les ajouter aux anciennes (ce qui serait, faut-il le reconnaître, un enrichissement) mais pour remplacer les anciennes. Certains ont d’ailleurs poussé le bouchon trop loin : ils y ont laissé jusqu’à leur langue.
Cinquante ans ont passé. Il n’y a pas aujourd’hui une seule grande élite bamileké en général et Bafou en particulier qui, après avoir atteint les cîmes de la hiérarchie publique à l’occidentale, ne soit revenue chercher (à tout prix et parfois, disent les mauvaises langues, à tous les prix) auprès de l’imperturbable et éternelle communauté souche, un anoblissement par lequel elle échappe désormais à l’anonymat auprès de celle-ci. Cet anonymat, des gens qui ont passé la moitié de leur vie sous les feux des honneurs conquis de haute lutte ne pouvaient souffrir de le vivre. Et pire, de le vivre au sein même de leur propre communauté d’origine. Et c’est tant mieux car, au lieu qu’on veuille toujours moderniser la tradition, ce mouvement permettra peut-être, pour parler comme Fô Nkong-ni Jean Pierre FOGUI, de traditionnaliser la modernité.
Cette diaspora-là a compris que si haut qu'on soit placé, on est toujours assis sur son derrière ; si haut qu’on s’élève dans la hiérarchie élitiste moderne, si loin qu’on soit allé chercher le savoir, on reste et demeure culturellement celui qu’on est né. Et de réclamer une place parmi les siens de retour de cette quête, cela ne se justifie que par la contribution qu’on peut et qu’on est disposé à apporter à ces communautés restées nôtres pour leur rayonnement. Et ça, les élites d’aujourd’hui en voie de traditionnalisation le savent et le comprennent très bien : si l’on veut être suivi, il faut marcher plus vite que les autres. Pas dans l'espace mais dans la pensée. Et pas la pensée pour elle-même, mais la pensée au service des communautés. Celle qui fait qu’il n’y ait plus de cloison entre ceux des villes et ceux des villages. Celle qui intègre et gère l’idée que le savoir universel s’est rapproché de tous, que le moderne et le traditionnel se sont rencontrés et ne se présentent plus comme deux entités idéologiques incompatibles, antinomiques et mutuellement vulnérables et destructibles ; qu’ils sont devenus comme les deux pôles du même aimant : inséparables. Vous les séparez de force, ils se reconstituent instantanément en chaque morceau. En fait, en essayant de les affaiblir en les séparant, vous les renforcez en les démultipliant. Ainsi renforcées, les communautés régionales et tribales se présenteront mieux armées à la place nationale où se discute le devenir et le destin de la communauté nationale.
La diaspora d’aujourd’hui
C’est celle qui prend son départ non pas sur les places de villages témoins du passage hebdomadaire d’un véhicule dans nos campagnes, mais dans les gares routières, les aéroports et les ports modernes (ou presque). Les raisons qui la poussent sont quelque peu différentes de celles qui poussaient les membres de la première diaspora présentée plus haut. Elles sont diverses et si nombreuses que nous ne nous étendrons pas dessus, d’autres l’ayant fait à suffisance. Sur leur chemin, ils ont rencontré des choses bonnes et moins bonnes. Ils ont rencontré le savoir universel évoqué plus haut et dont nous avons parlé de la démocratisation subite. Ils l’ont conquis avec la hargne du soldat qui se trouve dos au mur. Ils ont également rencontré l’autre dans son originalité culturelle. Et ils ont compris.
Ils ont compris le sens de l’adage qui veut que le séjour d’un morceau de bois dans l’eau ne puisse jamais en faire un crocodile ; et que le véritable destin d’un crocodile est rarement ailleurs que dans ses marais de naissance. Ce que d'aucuns appellent aujourd’hui (trop vite à mon goût) les « gesticulations » de la diaspora participe simplement de ce que ces compatriotes, membres de la diaspora d’aujourd’hui, savent avoir quelque chose à donner eux-aussi ; et estiment naturel de pouvoir le donner à leur pays. D’autant plus qu'ils ont remarqué le même état d’esprit chez leurs congénères d’autres origines au cours de leur(s) périple(s). Ils ont noté que les honneurs qu’ils reçoivent ailleurs ne leur font jamais l'effet de ceux qu’ils pourraient recevoir de leur pays, de la part de leurs compatriotes.
Le phénomène est donc simplement celui que nous avons décrit dans la première partie de cet article, mais cette fois, à l'échelle nationale. L’aspiration légitime de la diaspora nationale à vouloir jouer un rôle dans la marche du pays est à la mesure de celle des élites des différents groupes tribaux à vouloir réintégrer leurs communautés d’origine pour se sentir eux-mêmes. Comme la diaspora d’hier était marquée par l’empreinte de sa culture d’origine et s’est battue ou se bat pour s’y faire une place, celle d’aujourd’hui est culturellement marquée par l’empreinte Cameroun (on ne doute d’ailleurs plus du fait qu’une sorte de « culture camerounaise » commence déjà à se dessiner). C’est le pays qui aurait dû prévoir que cela arriverait un jour ou l’autre et s’y préparer ; gouverner n’est-il pas prévoir ?
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