Le mariage traditionnel à Bafou
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- Publié le jeudi 3 novembre 2011 16:53
Chers internautes,
En date du 28 Octobre 2011, nous avons publiésous la plume de Kem KANA Victor, un article intitulé « Le mariage à l'église ou la mort de l’époux ». Cet article présentait une réflexion de son auteur sur le mariage qui se fait à l’Eglise et ses conséquences dans la vie du couple. Le débat qui s’en est suivi à travers vos réactions nombreuses, multiples et variées, intéressantes les unes comme les autres, exprimées avec élégance, avec beaucoup de correction et surtout avec beaucoup de respect les uns pour les autres, nous a amené à conclure que le sujet vous a intéressés et même passionnés.
Mais, avant l’arrivée du Blanc, avant le mariage civil à la mairie puis le mariage religieux devant le prêtre ou le Pasteur, mariages qui sont d’ailleurs des apports du monde occidental, il y avait une forme de mariage bien spécifique à nos peuples. Toujours attentif aux préoccupations de son lectorat, bafou.org a pensé explorer pour vous "le Mariage traditionnel à Bafou". Pour cela, nous avons fait appel à un fils de "cueilleur de vin raphia" (Ndeng-kiah), du village Baleng, qui vous est bien familier grâce à ses fréquentes interventions dans les colonnes de notre site. Il s’agit de Moho Lekouet DONKENG Cosmas, qui nous livre dans les lignes ci-dessous, la quintessence de ses connaissances, son point de vue et son éclairage sur ce sujet qui vous intéressera sûrement. Il vous donne une idée sur les fiançailles, sur la dot proprement dite, sur la célébration du mariage, sur le rituel de l’accompagnement de la fiancée chez son époux, sur la nuit de noces, sur la consolidation et la protection de l’union matrimoniale, sur la parade des attaques extérieures et sur la résolution d’éventuelles crises qui pouvaient survenir dans le mariage et menacer son existence. Le sujet ainsi présenté est vaste. Le texte étant assez long, il vous sera servi en épisodes successifs. Vos commentaires ou compléments d’informations, vos critiques positives et/ou négatives seraient les bienvenus pour nous aider à en savoir davantage.
Guy Mathurin NGUEZET
Le mariage traditionnel à Bafou
Par Moho Lekouet DONKENG Cosmas
Qu’est ce que le mariage ?
Le mariage est une institution sociale qui met en jeu deux personnes de sexes opposés qui décident de s’unir pour la vie. Dans les temps anciens, le mariage entre un homme et une femme avait, à Bafou comme ailleurs en pays Bamiléké, de multiples motivations : il s’agissait bien sûr de procréer pour perpétuer un nom, une lignée, une dynastie mais il y avait aussi, pour une part non négligeable, la nécessité de disposer d’une importante main d’œuvre (en femmes et en enfants) pour relever les défis économiques. Les plus grandes fortunes connues à Bafou se singularisaient par le nombre élevé de leurs femmes et de leurs enfants.
Souvenons-nous de cette chanson pathétique intitulée "Ndjui kâffê" dans laquelle, le musicien Bafou surnommé "Congolais" et de son vrai nom Zébazé Etienne, développe vers la fin des années 1960 et avec beaucoup d’émotion, la complainte d’une jeune femme qui s’était rendue compte qu’elle avait été épousée rien que pour s’occuper des caféiers de son époux. La tragédie de cette femme se résume dans cette phrase lourde de sous-entendus : "j’ai lavé mes pieds, mais … je n’ai pas trouvé de chaussures à porter".
En dehors de "Ndjui kâffê" (la femme du caféier), on a connu, ici et là à Bafou, d’autres qualificatifs tels que "Ndjui leuôh" (la femme du cheval) ou "Ndjui metoua" (la femme de la voiture) pour signifier que cette femme était affectée à l’entretien du cheval ou de la voiture de son mari.
Le mariage servait également de « ciment » pour consolider une amitié ou une alliance d’une famille avec une autre ou d’une chefferie avec une autre. Mais, au-delà de toute considération, se marier conférait une certaine respectabilité au jeune homme et de la considération à la jeune fille. Certains plats, comme le taro à la sauce jaune, ne devaient pas être servis aux célibataires. Quand il leur arrivait d’assister aux réunions des hommes murs du village dans les salles de conseil qu’on appelait "Nguia-s’sap", "Nguia-semteh", "Nguia-lemoû", ou tout simplement "Aka’a", ceux-ci n’avaient pas à donner leur point de vue dans les débats tout simplement parce qu’ils ne "connaissaient rien".
Le mariage avait une telle importance dans l’aura individuel qu’un notable ou un chef traditionnel ne pouvait pas se permettre d’être monogame comme c’est le cas de nos jours. Si le célibat était une calamité à éviter tant pour l’homme que pour la femme, le mariage était à contrario, une nécessité impérieuse.
De nos jours, l’union entre un homme et une femme est consacrée à la Mairie où le contrat de mariage est matérialisé par la signature d’un acte de mariage par devant un officier d’Etat Civil. Après la Mairie, l’étape de l’Eglise est matérialisée par le sacrement du mariage qui signifie un engagement solennel du couple devant Dieu et devant les hommes.
Qu’il soit civil ou religieux, le mariage moderne obéit à un code à respecter. Mais qu’en est-il du mariage traditionnel ? C’est ce que nous allons essayer de circonscrire dans les lignes qui suivent :
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