Bafou- Sessa Fotsa : Morts en série !
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- Publié le jeudi 22 novembre 2012 12:03
« Quand les bandits s’attaquent aux symboles de la puissance traditionnelle appelés chez nous les « sacs du village » ou « Epâh-Lah », la réplique par les forces mystiques des notables ne se fait pas attendre. »
Chaque jour, notre société voit ses valeurs sapées par des malfrats, sans foi ni loi. Depuis, un certain temps, les chefferies, les églises et autres lieux sacrés sont profanés et vandalisés. A Sessa Fotsa, un village du Groupement Bafou, la case sacrée de la concession de Kem Poug, premier des neuf notables de ce village, a subi un acte de vandalisme hors du commun au cours des derniers jours du mois d’août 2012. Les symboles de la puissance traditionnelle, les « sacs du village », ( Epâh-Lah ) comme on les appelle ont été extirpés de la chambre sacrée, éventrés et éparpillés aux quatre coins de la route, précisément au carrefour sis à l’entrée de cette grande concession. De mémoire de Bamiléké, on n’avait jamais vu une telle effronterie.
Notons déjà que tous ceux qui, le jour suivant, ont par malheur vu ces objets d’un autre genre, ont dû subir une cure de purification traditionnelle.
Le village Sessa Fotsa a perdu le sommeil depuis longtemps, à cause du vol, des rapts, du sabotage et des actes innommables d’insécurité qui freine son développement. Ce village ou « KAP’-NTIOH » est le seul qui, dans le groupement Bafou, n’est pas électrifié et n’a ni établissement d’enseignement secondaire, centre de santé ou autres infrastructures adéquates. Il a perdu en novembre 2009, son septième chef, Feu S.M. Fotsagué Kenfack Paul, si craint, si respecté à Bafou. Les malfrats ont alors cru qu’ils avaient désormais le champ libre. S’appuyant sur le conseil des notables, le comité de développement a décidé de prendre le taureau par les cornes. Il a entrepris de procéder, lors du congrès de développement d’août 2011, à une consultation populaire inédite d’un genre nouveau : la dénonciation (à bulletin secret) des bandits connus qui écument le village. Sans mâcher ses mots, Kem Poug, premier des neuf notables et président du conseil des notables assurant actuellement la régence à la chefferie avait intimé à ces malfrats l’ordre de mettre un terme à leurs basses besognes. L’accalmie n’a duré que quelques mois si bien qu’au congrès d’août 2012, il n’y avait eu que quelques rares cas d’actes regrettables signalés çà et là. On croyait que tout allait désormais pour le mieux. Erreur, quelques jours après, une étrange et mystérieuse nouvelle se répand dans le village, lourde et révoltante, consternante et indigne.
La case sacrée de Kem Poug à Poudzang a été cambriolée et vidée de tout son contenu. Les « sacs sans ouverture » nommés « Epâh-Lah » ont été sortis de la case sacrée, éventrés, et leurs contenus éparpillés sur la route à l’entrée de la concession. Le notable lui-même en service à Kekem-Bafang est arrivé sur les lieux et a invité tous les Sessa Fotsa à garder le calme. Un Conseil de crise des « neuf » a été aussitôt convoqué.
A l’issue de ce conseil, les « neuf » ont, s’adressant à la population, demandé aux auteurs de ces actes impies de venir se repentir, sinon leur sentence allait être sans appel. Après un temps de sursis accordé à ces hors la loi, la justice et le droit, traditionnellement parlant ont été dits.
L’émoi, la consternation et l’indignation ont duré trois mois. Le verdict a commencé à tomber le vendredi 02 novembre 2012 par le décès du chef de ce gang extraordinaire, le nommé Jiagho Edouard qui, avant de rendre l’âme, a tout avoué, en citant les commanditaires et ses acolytes. Son premier acolyte est décédé le dimanche 11 novembre 2012 et selon les dires des ténors de la tradition, un troisième complice est en voie de passer de vie à trépas et les commanditaires vont suivre inexorablement. C’est le suspense tragique de ce côté.
Notons que le sieur Jiagho Edouard décède après avoir passé quelques jours au dispensaire Ad Lucem du coin. Tous ses examens médicaux étaient négatifs. Il parlait aisément mais curieusement, son corps se desséchait avec le côté gauche paralysé. Quelques jours avant sa mort, quelqu’un lui aurait donné une plante à consommer. Curieux quand on sait qu’il rejetait eau et bouillies qu’on lui donnait. Il a avalé cette plante sans problème et quelques instant après, il a avoué tous ses coups de vol et rapts parmi lesquels le cambriolage de la concession Kem Poug qui, selon son arbre généalogique, est son arrière grand père paternel et semble t-il, travaillait chez lui comme maçon. Dans sa confession, il a cité ses complices et les commanditaires. D’après sieur Jiagho Edouard, leur but était de prendre les « écorces » remis à ce notable leur conseil à la chefferie, socle du pouvoir traditionnel de Sessa Fotsa. Tous ceux qui décèdent suite à cette mystérieuse affaire sont enterrés sommairement et les obsèques se réduisent au maillon familial.
Aux dernières nouvelles un troisième larron serait très malade, et va sûrement mourir. Les commanditaires auraient commencé à avouer aussi. Leur sentence est attendue, car tous ceux qui sont impliqués dans ce coup recevront d’une manière ou d’une autre un châtiment sévère. Leur famille doit se rapprocher du conseil des notables pour prendre la prescription usuelle pour exorciser ce crime de lèse-majesté. Dans le cas contraire, la vague punitive après le décès des principaux concernés risque de se poursuivre. Etrange, et mystérieuse affaire mystique et mythique n’est-ce pas ?
Cette histoire rocambolesque montre l’effectivité et l’efficacité de la justice traditionnelle et l’authenticité de leurs sceaux. Beaucoup pensent que le pouvoir traditionnel est devenu un épouvantail. Erreur, il demeure et reste tel quel malgré le rajeunissement des tenants. Cette affaire de profanation des symboles traditionnels remet sur la sellette la codification de nos savoirs (savoir-être, savoir-vivre et savoir-faire) traditionnels pour que nul n’ignore la loi traditionnelle et que nos valeurs soient pour nous et nos enfants une richesse inviolable, un trésor.
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